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Point (de vue) sur la crise ivorienne
22 décembre 2010

L'ONU et ses observateurs crédibles

"Des Observateurs dignes de foi et accrédités ont qualifié ce scrutin de libre et juste, et aucune partie ne devrait être autorisée à faire davantage obstruction au processus électoral", voilà ce qu'a déclaré Mike Hammer, porte-parole du Conseil de Sécurité de l'ONU (Source: AFP via onuci.org).

On comprend alors pourquoi l'ONU n'a pas proposé la reprise du scrutin, puisque d'après ces observateurs le scrutin a été qualifié de "libre et juste". Mais, le camp Gbagbo a-til inventé toutes les images et témoignages diffusés sur la RTI ? On peut en douter.

Au 25 Novembre 2010, Bamba Yacouba indiquait dans un communiqué paru sur Abidjan.net qu'il y avait au total 6 486 observateurs nationaux accrédités et 816 internationaux dont 120 de l'UE et 645 journalistes nationaux et internationaux. Par ailleurs, il faut préciser que tous les observateurs ne pouvait pas être présents dans toutes les régions, d'où leur complémentarité. Par exemple, la COSOPCI n'a couvert que les régions indiquées sur la carte ci-dessous:

zones_d_intervention_cosopci

Les uns...

En fait, les observateurs crédibles sont définis comme ceux mandatés par la communauté internationale (ONU, UE, UA...), dans un article publié sur le site Internet de l'hebdomadaire Jeune Afrique. Si l'on se réfère aux chiffres annoncés par le porte-parole de la CEI, il s'agit là d'une minorité (les 816 observateurs internationaux), comparé au nombre total d'accréditations octroyées (6 486 pour rappel). Une estimation rapide me permet donc d'affirmer que l'ONU n'aurait accordé du crédit qu'aux dires de 13% des observateurs seulement.

Or dans un communiqué du 26 Novembre, répondant aux accusations des observateurs de l'UE qui dénonçait une inégalité de traitement de la CEI, Bamba Yacouba affirmait que la "CEI n’entend pas catégoriser les observateurs et ceux de l’Union Européenne restent des observateurs au même titre que ceux de la Fondation Carter, de l’OIF, de la CEDEAO, de l’Union Africaine, du Japon, de l’Ambassade des Etats Unis, de la LIDHO, de la COSOPCI, de la CSCI …" ("Règles de l'observation électorale: le communiqué de la CEI", Abidjan.net).

Compte tenu de leurs effectifs réduits, est-ce que tous ces observateurs ont pu être présents dans toutes les régions et ainsi rapporter la réalité du terrain ?

...Et les autres

Le discrédit a été jeté sur certains observateurs africains, notamment à cause de la déclaration faite par le Chef de Mission de la Coordination des Experts Électoraux Africains (CEEA) à la RTI, dans laquelle seules les irrégularités dénoncées par le camp Gbagbo avaient été communiquées, alors même que des irrégularités avaient été constatées dans les deux camps. D'ailleurs le porte-parole de la CEEA fera une contre-déclaration dans laquelle il dément "l'exclusivité des actes d'intimidation et d'exactions dans les zones Centre, Nord et Ouest (Cno)". Il est ensuite précisé par ce-dernier que "les exactions ont eu lieu tant en zone Cno qu'au sud notamment dans les départements de Yamoussoukro, Daloa et à Abidjan." Mais en aucun cas, les accusations de violences portées sur le camp d'Alassane Ouattara n'ont été démenties, il y a donc bien eu des actes d'intimidation et des exactions lors de ce 2nd tour de l'élection présidentielle. Graves ou pas graves, that is the question...

Parlons maintenant des rapports et recommandations faites par les autres observateurs africains.

  • La Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI) - 1100 observateurs:

La CSCI a été créée par la Ligue Ivorienne des Droits de l'Homme (LIDHO). Cette association apolitique oeuvre pour le retour de la paix en Côte d'Ivoire depuis sa création, en 2003. Elle est partenaire du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), de l'UE et de l'Organisation Internationale de la Francophpnie (OIF), entre autres. Tous les éléments sont donc réunis pour en faire un observateur crédible.

Et pourtant sa Mission d'Observation Electorale a conclu à travers son rapport rendu public avant l'annonce des résultats, les 2 et 3 décembre, que "Sur la base des différents rapports de ses 1100 observateurs électoraux déployés sur toute l’étendue du territoire national le jour du 2ème tour du scrutin du 28 novembre 2010, la MOE de la CSCI a relevé des irrégularités et des violences localisées ont été constatées sur l’ensemble du pays mais surtout au nord et à l’ouest du pays ."

Une fois les résultats parus, la solution proposée par la CSCI le 6 décembre 2010, sera la reprise du scrutin au motif que "Dans le processus électoral en cours, le Conseil Constitutionnel et la Commission Electorale Indépendante (CEI), pour n’avoir pas toujours été à la hauteur de leur rôle d’arbitres indépendants, ne sont pas exemptes de reproches. L’insuffisance de rigueur de ces deux institutions a parfois profité, parfois desservi chacun deux camps en présence, LMP et RHDP, qui ont eu tendance, eux aussi, à privilégier leurs intérêts partisans sur l’intérêt national. Bien plus, la prééminence entre la décision du Conseil Constitutionnel et la certification du Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies n’a jamais été clairement expliquée aux ivoiriens." L'intégralité de la déclaration est disponible sur le site d'information Afreekelection. Il me semble que c'est ce type de réactions qui aurait pu amorcer la bombe qu'est devenue la crise ivoirienne. Merci à ces hommes et femmes intègres.

  • Les réseaux et coalitions  d’organisations de la Société Civile (COFEMCI-REPC,  COSOPCI, FOSCAO-CI, RAIDH, WANEP-CI) - 938 observateurs:

Les coalitions de la  Société Civile regroupent des ONG et autres organismes militant pour le respect des droits de l'homme et la sauvegarde de la paix. Ces-dernières ont conclu dans une déclaration commune d'après les observations menées sur le terrain que "Le succès qui a accompagné le 1er  tour contraste avec le déroulement du 2nd  tour qui est caractérisé par la psychose au sein des populations, l’empêchement  de vote et les violences verbales et physiques. Le couvre feu, institué par  décret présidentiel n’a pas été respecté en zone Centre Nord Ouest." Ces observateurs ont constaté une dégradation des conditions de vote par rapport au 1er tour, mais leurs conclusions préliminaires iront dans le sens du respect de la décision de la CEI.

L'ONU en a décidé ainsi

Au final, on retient que l'ONU n'a pas nié les irrégularités enregistrées lors de ce 2nd tour mais le désaccord entre l'ONU et le Conseil Constitutionnel porte sur la propension de ces irrégularités à avoir altéré ou non les résultats du scrutin lors de ce 2nd tour. Et vous, compte tenu des rapports et conclusions rendus par les deux groupes d'observateurs analysés ici, qu'en pensez-vous ? 

Il me semble que dans ce type de litiges, dès lors que ne serait-ce qu'une minorité d'observateurs dénoncent des irrégularités qui vont dans le sens de l'un des plaignants, le camp Gbagbo en l'occurrence, il est du devoir de l'ONU d'en tenir compte.

Si l'on ne considère que les résultats et conclusions fournis par la CSCI, l'ONU aurait ignoré la voix de 17% des observateurs confirmant des irrégularités de nature à affecter l'issue du scrutin. Même si les autres organisations de Société Civile s'expriment en faveur de la CEI, le constat est réel: "Dans l’ensemble,  toutes ces irrégularités, ajoutées à la psychose provoquée par le couvre feu,  ont rendu difficile le déroulement paisible du scrutin car les élections  doivent être libres, justes et transparentes."

Par ailleurs, la CSCI demandera plus tard la reprise du scrutin, sur base de ses observations. Alors pourquoi l'ONU n'a pas tenu compte de ces observations ? Est-ce un simple problème de définition des mots liberté et justice ?

D'autres interrogations émergent alors. Au sens de l'ONU, que manquait-il à ces observateurs pour être considérés comme crédibles ? L'ONU est-elle en mesure de justifier cette discrimination à l'égard de certains observateurs ? En même temps, il serait un peu délicat de demander au représentant des Droits de l'Homme de se justifier.

VIOLENCES - EXACTIONS - IRREGULARITES - INTIMIDATIONS, voilà ce qui a caractérisé ce deuxième tour des élections.

--MD

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Commentaires
C
Analyse pertinente! j'ignorais jusqu'à ce jours le rôle de la CSCI. <br /> Continuez comme ça.<br /> <br /> CentineL
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